Discollande

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The hygiene of the vocal organs – a practical handbook for singers and speakers (1891), by Mackenzie, Morell, Sir, 1837-1892 via Wikimedia Commons

Cher lecteur et ami,

La conjoncture fleure tant et si bon, les pieds, d’adolescents, sportifs, engoncés dans des bottes en cuir de Waffen-SS, qu’il m’a été impossible de rédiger un article aussi subtil, drôle et instructif qu’à l’accoutumé. Le projet de loi sur la réforme du travail (aussi appelé projet « Germinal pour tous »), si dévastateur que j’ai brièvement cru que M. Hollande tentait le coup de la psychologie inversée pour nous pousser à ressusciter le Front Populaire, est déjà décortiqué et critiqué par moult personnes sur le web qui le font avec plus de légitimité, de clarté ou de visibilité, que je n’aurais la prétention d’en faire preuve jamais.

Aussi si vous désirez mieux saisir l’énormité de ce qui se trame dans ce projet de loi je vous recommande le site loitravail.lol, clair, concis, avec des ch’tites couleurs mignonnes. Le plus ardu mais agréablement complet communiqué des économistes atterrés qui s’offre le luxe d’être critique ET force de proposition. Ou encore l’intervention télévisée du fantastique M. Filloche, ancien inspecteur du travail qui fait preuve d’une si grandiloquente humanité et d’une telle acuité dans le discours qu’on aurait envie de partager avec lui un magret sur son lit de pommes de terre sarladaises (celui du magret, de lit) tout en devisant des modalités à mettre en place pour faire plier une bonne fois pour toute la misère du monde.

Enfin un assez joli mouvement numérique est en train de se mettre en place sous le mot d’ordre #OnVautMieuxQueÇa. Vous pouvez trouver une vidéo de gens du web qui d’une part expliquent, de l’autre appellent à la résistance au texte, des témoignages de gens comme vous et moi, qui galèrent, qui grrmphent, qui racontent, des infos, des projets aussi. Qui sait ce que ça donnera mais pour l’instant ça fait du bien en dedans. Cela étant posé, cet article ne va évidemment pas se résumer à un listing de ce que vous pourriez lire ou visionner. Joie!

Amis lecteurs chers à mon cœur, tenez-vous bien (c’est important d’avoir une bonne position devant un écran)! Le blog en parangon du modernisme communicationnel s’initie au multi-format. Aujourd’hui j’ai peu à vous faire lire mais j’ai un peu à vous faire voir. Je vous ai concocté un vil, bas et grossier montage vidéo du président François Hollande interviewé le 11 février dernier conjointement par l’incarnation du consternant, M. Pujadas -qui sait que vous voulez travailler le dimanche- et par M. Gilles Bouleau qui bien que droitier somme toute se défend.

Pourquoi vous proposer ce montage réalisé avec le pied gauche alors que je n’ai visiblement suivi aucun cours de cinématographie? Déjà parce que je crois que j’aime ben ça moi, monter des trucs. Et surtout parce que je m’en serais voulu d’accaparer honteusement une once de votre disponibilité d’esprit en cette semaine qui réclame toute votre attention, tant les bassesses et roueries et viles circonvolutions s’y font nombreuses!

Les syndicats qui se couchent avec ardeur (peut-être parce qu’ils pensent y gagner un semblant de visibilité) et décident que c’est pas gentil d’être méchants et que puisque c’est comme ça on s’est réunis pour décider de se réunir dans deux semaines pour en reparler, les politicuistres qui expliquent que plafonner les indemnités prud’homales, baisser la rémunération des heures supplémentaires et supprimer le jour de congé attribué en cas de deuil va faire le bonheur du salarié, les journalistes qui d’abord relativement cléments commenceraient presque à se découvrir des velléités potentielles de discours critiques en voyant la contestation prendre de l’ampleur (plus de 600 000 signatures sur la pétition)… Bref, cette semaine c’est cinéma! Je ne vous prendrai que quelques minutes et vous fatiguerai peu. Moins de blabla plus de warf warf. Pour le reste sortez le pop-corn, et un calepin et un stylo…

Pour noter les noms des futurs tondus de la libération.

Avec respect pour les monteurs professionnels,

Lio

Docteur Macron et Mister Rothchild

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By Chook*Maree (Own work) [CC BY-SA 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)%5D, via Wikimedia Commons

Le fantastique homme providentiel du gouvernement, le brillant applicateur du virage rectiligne à droite de M. Hollande, le glorieux fondateur de la loi éponyme, bref, votre nouvel ami d’enfance M. Emmanuel Macron, en a sorti une bien belle dis-donc mercredi dernier. Citons:

La vie d’un entrepreneur est souvent bien plus dure que celle d’un salarié. Il peut tout perdre, lui, et il a moins de garanties.

Chers amis ne lui jetons pas la pierre tout de suite (mais gardez-là à portée de main on ne sait jamais). En période de chômage structurel à 10% il ne parait pourtant qu’à demi-évident que le salarié mène une vie de franche sécurité. Certes en cas de banqueroute l’entrepreneur peut risquer la perte de ses biens personnels, mais en cas de chômage de moyenne ou longue durée l’ancien employé a bien le temps, lui aussi, de se les voir ronger ses biens personnels.

D’autant qu’il en a généralement moins, des biens, le salarié. Pour mémoire, en 2012 un chef d’entreprise gagnait en moyenne 65 100 euros par an (50 100 euros pour les patrons de PME), contre environ 20 000 euros pour les ouvriers et employés. De même entre 1999 et 2012 le salaire moyen des chefs d’entreprises a augmenté de 89,7% contre 42,3% pour l’ensemble des salariés. Attention, qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit. Cela ne fait pas des patrons un ensemble de voleurs parasites (pas forcément), je réserve cette appellation (en public) aux patrons de grandes et très grandes entreprises. La plupart des patrons de PME cravachent comme des ânes et sont finalement des exploités comme les autres.

Néanmoins je m’étonne que le si docte M. Macron, pourtant féru de chiffres et lui-même ancien salarié -de Rothschild- ne se souvienne pas de l’inquiétude chronique qui nous prend à la pensée de savoir si demain il nous sera possible d’obtenir un CDI (pour peu que l’on soit « flexible »), de garder son emploi, de garder son salaire, de garder son rythme de vie sans être obligé de travailler « volontairement » le dimanche, de payer son loyer ou ses crédits, d’avoir de quoi manger, et nourrir et peut-être même aussi habiller et faire garder ses enfants tout en survivant à l’exténuante lutte contre cette foutue entropie qui veut que la machine à laver, le plafond et la voiture, aient plus naturellement tendance à s’abîmer tout seuls qu’à se réparer tout seuls, les fourbes.

J’ose proposer une tentative d’interprétation. Peut-être, mais je présume, que si M. Macron tend à voir les salariés comme des gens essentiellement éligibles à la tonte, et finalement confortablement installés dans leur tranquille sécurité, cela a-t-il un tout petit peu à voir avec le fait que, pour la seule année 2011, ce pauvre homme a touché 403 557 euros de traitements et salaires chez Rothschild (soit 20 fois le salaire moyen des employés et ouvriers) auxquels s’ajoutent 997 596 euros de « bénéfices industriels et commerciaux » et de « revenus de capitaux immobiliers » (voici sa déclaration à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique). On pourrait, même si c’est un tantinet tiré par les cheveux, supputer un potentiel écart entre son expérience et celle du salariat populaire. Mais comment savoir. Et surtout!… Est-il bien responsable pour autant?!

Que celui qui n’a jamais gagné 1 400 000 euros en un an lui jette la première pierre…

Trois lanternes en des temps obscurs: Joie, Bonheur et Félicité

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By Charles Chaplin, Edward Brewer, Henry P. Caulfield, Vincent Bryan, Maverick Terrell, Roland H. Totheroh, George C. Zalibra, and Mutual Film Corporation (The movie Behind the Screen) [Public domain], via Wikimedia Commons

À trop analyser la bête immonde on en finit par lui faire le tentacule plus grand qu’il ne l’est. Les fêtes approchent et avec elles leur cortège de retrouvailles, bouffailles et rigolailles. Pas de cynisme facile sur la fièvre consumériste ni sur les mourants du monde aujourd’hui. Nan! En l’honneur des derniers croyants et pour communier avec vous la naissance d’un petit gars il y a 2000 ans et la mort de cette année de plomb qui n’en finit plus de peser, j’ai décidé de vous offrir du  bien-être, du chaud en dedans, du chocolat pour l’esprit et des chaussons pour vos pieds. Car je suis bon. Voici donc, avec du sourire autour, les brèves du jour.

Joie:

Pendant que nos élections régionales suivaient leur cours habituel de roueries, bassesses et complaisances, et couronnaient l’assise d’un tripartisme droite/extrême-droite/extrême-droite nationaliste, certains de nos voisins firent des choix différents. Les résultats définitifs sont tombés hier. Le bipartisme espagnol est dorénavant secoué par Podemos  qui arrive troisième avec 20,6% des voix, juste derrière le parti « socialiste » (22%). Pour rappel Podemos est un parti anti-austérité, qui veut lutter contre le système de corruption qui a touché les deux autres principaux partis, les syndicats et les grandes entreprises espagnoles. Un parti jeune né sur les braises du mouvement social des Indignés, dirigé par un chevelu de 37 ans, et dont les 69 députés seront presque tous issus de la société civile, pas de professionnels de la politique donc.

Certes ils ont dû diluer un peu leur radicalité et jouer le jeu de l’institutionnalisation. Certes 20% ce n’est pas 100%. Mais tout de même! En un an et demi un parti complètement émergeant a réussi à s’imposer comme troisième force nationale en rappelant au peuple qu’il avait voix au chapitre, que les indignations agréées avaient la force de changer les choses, et que bon, hein, l’enrichissement des plus riches au détriment des plus pauvres (l’austérité quoi), ça allait cinq minutes mais qu’il fallait peut-être essayer autre chose pour sortir de la crise. Ça n’est pas la panacée mais en des heures sombres, même la plus petite lumière peut suffire à éclairer (dans tous les sens du terme), à réchauffer, à rassurer. D’autant plus si l’on rapproche ce résultat de celui de la primaire du labour, la « gauche » anglaise. Tenez-vous bien, leur système ne facilitant pas l’émergence de nouveaux partis, ils ont eu l’idée, parfaitement saugrenue attention, de voter, si si je vous jure, pour un homme de gauche, à gauche. Un révolution intellectuelle. L’homme qui va porter les ambitions sociales de son peuple au gouvernement semble… avoir des ambitions sociales. Joie.

« En matière d’économie, il se dit prêt à en découdre avec l’industrie financière de la City de Londres ; à rétablir un contrôle politique sur la banque centrale ; à renationaliser le chemin de fer et plusieurs services publics, balayant ainsi l’orthodoxie thatchérienne. Sans prendre clairement position sur une sortie de l’Union européenne (le « Brexit »), il préfère mettre l’accent sur la construction d’une « Europe sociale ». Il critique avec virulence le traitement infligé à la Grèce et le grand marché transatlantique (GMT), ce traité de libre-échange en cours de négociation entre Bruxelles et Washington. »

Alex Nunns, « Jeremy Corbyn l’homme à abattre », dans Le Monde Diplomatique d’octobre 2015.

http://www.monde-diplomatique.fr/2015/10/NUNNS/53931

Bonheur maintenant:

Jeudi dernier l’historien Patrick Boucheron, nouvellement élu à la tête du prestigieux Collège de France prononçait sa leçon inaugurale. Une belle et grande leçon intitulée « Ce que peut l’Histoire ». On y devine cet homme animé d’une profonde bienveillance. Cette vertu qui, d’après lui, fait de l’intelligence autre chose qu’une sale manie. Son discours, merveilleusement érudit, déborde d’un humanisme fin. Il conjure les sagesses de temps passés, plus ou moins proches, pour éclairer d’un jour noble les notions de politique, de pouvoir, d’Histoire, d’identité nationale, de pays, de religions, de civilisations, et met à bas dans un même geste, sans jamais les nommer, les discours de ceux qui s’en voudraient dépositaires et les instrumentaliser.

De peur de l’abimer je m’arrêterai là dans la présentation, car ses mots sont si forts qu’ils se suffisent je pense. Simplement et chaleureusement je ne peux que vous conseiller l’écoute de cette conférence. M. Boucheron discourt aussi bien qu’il écrit. C’est un plaisir pour le corps entier, le cerveau se nourrit, les oreilles jubilent d’une diction qu’on ne connait presque plus, la bouche s’étire en un sourire de contentement tandis que le cœur bat fort de se savoir moins seul.

Voici un article sur le sujet pour ceux qui souhaiteraient une introduction aux enjeux de cette leçon, le lien pour l’écouter si vous en avez le temps et l’envie (la leçon commence à 7min48s) et enfin quelques délicieux extraits:

« L’accomplissement du rêve des origines est la fin de l’Histoire. Elle rejoindrait ainsi ce qu’elle était, ou devait-être depuis ces commencements qui n’ont jamais eu lieu nulle part, sinon dans le rêve mortifère d’en stopper le cours. Car la fin de l’histoire, on le sait bien, a fait long feu. Aussi devons-nous du même élan revendiquer une histoire sans fin, parce que toujours ouverte à ce qui la déborde et la transporte, et sans finalité. Une histoire que l’on pourrait traverser de part en part, librement, gaiment, visiter en tout ses lieux possibles, désirer comme un corps offert au caresses pour ainsi, oui, demeurer en mouvement.

[…]

Je me souviens pourquoi j’ai choisi d’enseigner l’Histoire : parce que j’avais d’un coup compris que c’était prodigieusement amusant. Je me souviens combien il me fut en revanche long et difficile de comprendre qu’elle pouvait aussi se déployer comme un art de la pensée. Je me souviens de la solitude, et de la manière de lui fausser compagnie, du désir de s’assembler et de se disperser. Je me souviens qu’il y a des temps heureux où la mer Méditerranée se traverse de part en part, et d’autres, plus sombres, où elle se transforme en tombeau. Et alors, à se tenir face à la mer, on ne voit plus la même chose. «Tenter, braver, persister»: nous en sommes là. Il y a certainement quelque chose à tenter. Comment se résoudre à un devenir sans surprise, à une Histoire où plus rien ne peut survenir à l’horizon, sinon la menace de la continuation ? Ce qui surviendra, nul ne le sait. Mais chacun comprend qu’il faudra, pour le percevoir, être calme, divers, et exagérément libre. »

M. Patrick Boucheron, je vous déclare ici mon très profond respect. Quand les âges s’obscurcissent il est dit que la plus infime lueur peut maintenir l’espoir, et c’est une torche qui est tendue. Merci. Un bonheur donc.

Comme nous voici quitte de la joie et du bonheur, je vous dois encore la félicité:

C’est vrai! C’est officiel putain! C’est si glorieux que plus personne n’osait encore l’espérer… Pour faire face à la montée du Front National et « interdire le chômage des jeunes » (et peut-être aussi pour éponger un soudain déficit de 405 millions d’euros dans sa comptabilité), la superstar de la finance, le Palpatine des affaires, l’homme à côté duquel le regretté M. Pasqua aurait pu se faire passer pour Mère Thérésa, bref le parangon du libéralisme économique moderne revient. Oui mes amis, vous ne rêvez pas: Bernard Tapis fait son retour en politique.

Voici pour toi, cher lecteur adoré, mon cadeau de Noël. Félicité.

Salauds d’pauvres

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Un entierro de limosna (convoi de pauvre), a Séville, Gustave Doré via Wikimedia Commons

Ce trimestre, à peine secoué par quelques infimes attentats -je dis infimes car ils n’ont pas eu l’heur d’inciter nos estimés gouvernementaux à repousser les élections quand bien même ils l’avaient fait pour d’autrement plus importantes raisons de « planning électoral chargé »- a fourbement aussi été le trimestre où le taux de chômage est de nouveau passé au-dessus des fatidiques 10%, taux que nous n’avions plus atteint depuis 1997. Ouais, rien que ça. Pour l’instant novembre et décembre semblent bien s’être mis d’accord pour donner raison à Murphy et à son imparable Loi de l’Emmerdement Maximum.

Ami lecteur, je te devine à la lecture de ces quelques nouvelles tenté de sombrer dans les affres d’une grise mélancolie. Mais loin s’en faut camarade! Pardon… cher ami! Sèche tes larmes, sers-toi un Brandy et allume un cigare. M. Valls a un plan pour chacun de nous. En tous cas il en a un pour résorber le chômage. Il l’a claironné haut et fort lundi dernier:

« Je veux faire sortir ce pays de cette accoutumance au chômage. Je veux que la valeur travail soit partagée par tous. »

Alors mon doux lecteur? Est-ce que ça va pas déjà mieux? Et toi salaud de chômeur, est-ce que t’as pas tout de suite plus envie de faire un grand bond en avant vers l’emploi? Loin de moi l’idée de vouloir jouer le corbeau de mauvais augure… Après tout le dernier plan de relance qui avait consisté à baisser les allocations chômage et à augmenter les contrôles sur la véracité des recherches d’emploi, un plan dont le socialisme latent devrait sauter aux yeux de tous donc, porte nous le voyons bien aujourd’hui des fruits si positifs sur le nombre d’inemployés que je ne peux m’empêcher de trépigner en attendant le prochain. Comble du bonheur, M. Valls a annoncé aujourd’hui qu’il comptait collaborer avec M. Raffarin, un des papas de la réforme des retraites de 2003 (2 millions de manifestants) dans le cadre d’un « pacte républicain pour l’emploi ». Mon âme de gauchiste n’en peut plus de vibrer.

Si je me permets, déjà, d’intervenir sur cette question alors même que les détails de ce projet ne sont pas encore entérinés, c’est que ce même jour, ô plaisant hasard du calendrier, l’assemblée statuait sur un projet de loi visant à réfréner l’évasion fiscale, que nous aimons à appeler « optimisation fiscale » dans les beaux quartiers. Le texte de loi devait obliger les entreprises, dans le cadre d’un plan de lutte mondial contre la fraude fiscale, à rendre publiques les données de leurs activités dans les différents pays où elles se trouveraient implantées. En gros, nous aurions pu savoir directement et exactement à quel point Total était déficitaire pour ne pas avoir pu payer son Impôt sur les Sociétés. Alors que le texte allait être voté à 28 voix contre 24, le secrétaire d’État au Budget a fait suspendre la séance. Quarante minutes. Assez pour qu’à leur retour les députés retrouvent leurs esprits et décident de le rejeter par 25 voix contre 21. Le Medef, étonnamment, se félicite de cet acte de résistance gouvernemental.

Pour le simple plaisir de la réflexion j’aimerai rappeler que d’après les derniers chiffres, la fraude à Pole Emploi -constatée- représente moins de 59 millions d’euros, quand la fraude fiscale -constatée toujours- est de 3,42 milliards d’euros. Toujours happé par le plaisir d’aller au bout d’un raisonnement je suis pris d’une soudaine envie de vous préciser que le manque à gagner pour l’État, estimé cette fois-ci, se situerait au bas mot entre 60 et 80 milliards d’euros en France. La si progressiste Commission Européenne, moins optimiste cependant, quantifie cette perte pour l’ensemble des États membres à 1000 milliards d’euros.

Ainsi parfois le hasard peut se montrer généreux pour qui sait savourer l’ironie. À quelques heures d’intervalle un gouvernement de Gauche (ha ha ha sarcasme) met en branle son futur système à traquer les pauvres tout en faisant avorter celui à surveiller les riches. Je ne sais pas ce que tu en penses tendre lecteur cher à mon cœur, mais  dirait-on pas que depuis quelques mois la Droite Complexée le serait de moins en moins?

C’est trop de malignité envers les dignes successeurs de Léon Blum qui nous gouvernent aussi vais-je finir sur une note plus légère, et donc sans corde ni lexomil. Voici un trait d’esprit qui d’une part donnera une perspective intéressante à cet article, tout en vous valant, dans les salons, le plus vif succès:

« Autre motif d’orgueil, que d’être citoyen ! Cela consiste pour les pauvres à soutenir et à conserver les riches dans leur puissance et leur oisiveté. Ils y doivent travailler devant la majestueuse égalité des lois, qui interdit au riche comme au pauvre de coucher sous les ponts, de mendier dans les rues et de voler du pain. »

Anatole France, Le Lys Rouge, 1894.

Nouvelle nomination pour le prix « Faut quand même avoir une sacrée machinerie sous le capot pour oser la sortir sans avoir les coudes qui remuent »!

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Abraham Linclom by Charles Carleton Coffin, 1897, on Internet Archives Book Images, via Wikimedia

À peine créé ce prix cartonne déjà! Voyez aujourd’hui c’est le ministère de l’intérieur que nous récompensons pour sa demande au Conseil d’État:

« C’est bon les gars? On a tout bon?« 

C’est le plus sérieusement du monde que ledit ministère est en train de poser la question suivante: « Pour prévenir la commission d’actions violentes de la part de personnes radicalisées, présentant des indices de dangerosité et connues comme telles par les services de polices, sans pour autant avoir déjà fait l’objet d’une condamnation pour des faits de terrorisme, la loi peut-elle autoriser une privation de liberté des intéressés à titre préventif et prévoir leur rétention dans des centres prévus à cet effet? ».

Je traduis parce que je crains que les plus bas de plafond ne décrochent. Un gouvernement de gauche (ha ha ha… humour) veut savoir s’il a juridiquement le droit d’enfermer quelqu’un sans condamnation, ce qui veut quand même dire quelqu’un d’innocent, dans un centre de rétention sur la seule base de la suspicion de sa dangerosité, par exemple donc si quelqu’un lui a collé une fiche S sur le dos. Humble minuscule petit détail, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, le Code de procédure pénale, et le Code Civil l’affirment, et beaucoup devraient méditer là-dessus: toute personne est protégée par la présomption d’innocence.

Et s’ils s’en trouvent parmi vous qui se disent oui mais on parle de terroristes (potentiels) je rappelle qu’apparemment, sur les 20 000 personnes fichées S, 10 500 auraient à voir, de plus ou moins près, avec la radicalité djihadiste. L’autre moitié c’est peut-être les mecs qui ont bloqué le péage de Mussidan y a trois ans. Autre humble minuscule petit détail, si années après années les fondateurs de la République se sont échinés à faire des lois, une constitution, à former des juges, c’est justement pour éviter qu’au premier coup de panique des cuistres gouvernementaux ne se mettent à faire n’importe quoi et à enfermer n’importe qui!

Heureusement l’entourage de l’actuelle garde des sceaux se veut rassurant. Si on demande c’est pour bien montrer que c’est pas autorisé par la constitution… À quelques mois d’une probable réforme constitutionnelle je suis donc tout à fait rassuré merci. Je crois même qu’à force je serais  parfaitement rassuré si vous vouliez bien arrêter une bonne fois pour toute de vouloir protéger mes droits.

Bref, c’est un très sympathique « Faut quand même avoir une sacrée machinerie sous le capot pour oser la sortir sans avoir les coudes qui remuent » que nous décernons aujourd’hui, les amis de la liberté ne manqueront pas d’en apprécier la cocasserie.


Sources:

http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/12/09/le-gouvernement-envisage-des-centres-de-retention-pour-les-personnes-fichees-s_4827979_3224.html

http://www.ledauphine.com/france-monde/2015/12/09/fiches-s-le-gouvernement-songe-a-des-centres-de-retention

https://lundi.am/Valls-Des-camps-pour-les-fiches-S


Ps: le gouvernement a répondu au début de polémique sur son compte Tweeter, en substance en signalant que c’était pas son idée, c’est la droite qu’a voulu d’abord.

Première nomination officielle dans la catégorie « Faut quand même avoir une sacrée machinerie sous le capot pour oser la sortir sans avoir les coudes qui remuent »

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Arthur Butler after brealing England-Australia flight record, By Powerhouse Museum from Sydney, Australia

Pour cette première édition c’est la firme Volkswagen qui reçoit un très joli « Faut quand même avoir une sacrée machinerie sous le capot pour oser la sortir sans avoir les coudes qui remuent » pour son fantastique:

«Et beh en fait non!»

Pour ceux qui n’auraient pas suivi l’affaire, en parallèle du scandale des moteurs truqués (qui en gros disposaient d’une technologie anti-pollution super chouette mais pas branchée) avait émergé un deuxième volet, celui des émissions de CO2. Le 3 novembre le constructeur annonçait qu’il se trouvait que p’t’être qu’en fait les émissions de dioxydes de carbone de certains modèles risquaient de ne pas tout à fait correspondre à ce qui était indiqué sur la fiche technique, en partie parce que certains trublions de chez eux avaient un peu arrangé les choses lors des tests. Des employés avaient corroboré la chose en expliquant comment.

Minuscule étourderie qui aurait pu couter la bagatelle de deux milliards d’euros à la boite si, mes chers amis, Volkswagen ne venait de l’annoncer très haut cet après-midi: «Non non, oubliez tout les gars, en fait on a pas triché»!

Bel aplomb. Un prix bien mérité donc.

Le journal Valeurs Actuelles reconnu coupable d’incitation à la discrimination

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A Chinese man and woman having their first Western clothes fitted. Coloured lithograph by Smith, 1858. Wellcome Library no. 33096i

Il arrive parfois, même aux plus cyniques d’entre nous, d’être agréablement surpris par l’actualité. Si si. Le journal Valeurs Actuelles vient d’écoper de 2000 euros d’amende pour provocation à la discrimination envers les musulmans. Souvenez vous de cette une, commise en septembre 2013, titrée « Naturalisés, l’invasion qu’on nous cache », avec Marianne voilée au premier plan…

Ben oui messieurs! Le racisme n’est pas seulement une opinion, c’est surtout un délit.

Et aux critiques de la bien-pensance qui pourraient s’en offusquer, je propose de méditer sur cette sentence de sagesse, tweetée le 2 octobre 2014 par Bruno Gaccio à propos de la fameuse lancée de Nadine Morano:

« Hala la le politiquement correct c terrible: on ne peut plus dire des trucs racistes sans être traité de racistes. »

Conseil aux futurs dictateurs

Conseil aux futurs dictateurs

Le 25 novembre dernier la France a officiellement prévenu le Conseil de l’Europe qu’elle risquait de ne pas respecter les droits de l’homme pendant l’état d’urgence. Elle évite ainsi l’écueil que n’avaient pas perçu les dictatures de naguère.

Attention cher lecteur devant ton écran, si à l’avenir tu comptais faire carrière dans le fascisme retiens bien la leçon du jour: l’important c’est de le demander poliment!